dimanche 13 septembre 2009

Conseil de la Création Artistique : une Drac in partibus

Le président Sarkozy avait annoncé le 2 février l'installation d'un haut Conseil de plus dans le paysage, chargé lui de la Création Artistique et confié à Marin Karmitz[1], patron de MK2, l'un des 4 grands groupes cinématographiques français. Nicolas Sarkosy, bien qu'il préside officiellement lui même ce Conseil, n'est pas là ce 10 septembre au Musée Branly pour la présentation, après 7 mois sans doute de dur labeur, des 10 projets qu'il entend mener pour les bienfaits de la création française. Par contre, et bien que non-invités,bon nombre d'organisations professionnelles ont fait le déplacement, au premier rang desquelles l'UFISC[2] qui fut l'une des premières à réclamer la suppression de ce Conseil, le SYNDEAC, et même la CGT-spectacle. Tous ont la même analyse de la signification de la création de ce Conseil en ces temps de disette budgétaire et d'incertitude pour tout le secteur culturel.


Ainsi l'UFISC dénonçait-il dès le 11 février dernier la création du CCA, dont il faut rappeler que Nicolas Sarkosy l'a annoncé au cours d'une conférence de presse à Nîmes alors qu'à Paris se tenait la séance de clôture des Entretiens de Valois. Une manière pour le Président de faire comprendre à tous, professionnels et collectivités, comment il conçoit la concertation et la co-construction des politiques culturelles ! La tiédeur du successeur d'Albanel rue de Valois, à l'encontre de ces entretiens, montre visiblement une belle convergence de vue quant au sort à réserver au principe de la concertation.
Ce discourt de Nîmes fut aussi l'occasion de découvrir l'adhésion de notre président au concept de l'excellence artistique, concept pour le moins contestable et que le CCA est visiblement là pour servir[3].
Autre question plus que jamais d'actualité, celle des moyens : le Président annonçait à Nîmes l'attribution de 100 millions de plan de relance pour la culture dans le patrimoine historique de la France, principalement religieux. Tandis que le Conseil aura besoin lui de 200.000 € seulement par an pour son fonctionnement, et rien du tout pour ses projets. Les 10 millions que nécessitent ses projets seront financés par d'autres Ministères que celui de la Culture et par des budgets privés (si possible est-il précisé !)[4]. Notre haut délégué général ne dit pas comment il a ainsi pu obtenir que l'appel d'offre lancé pour l'un de ses projets (celui de Plaine Commune) soit financé sur des crédits de la ligne budgétaire 224 du Ministère de la Culture (financement des actions "Transmission des savoirs et démocratisation de la culture", lequel a subit d'importantes coupes dans le budget 2009).
Plus grave encore, le rôle qui est ainsi assigné au Conseil et donc à l'Etat ; celui d'être acteur et porteur d'initiatives dans le domaine de la culture, au moment où l'Etat revendique un rôle de régulateur et que ses organes déconcentrés en région, faute de moyens, perdent de plus en plus leur crédibilité au regard des collectivités locales et territoriales qui ont pris le large sur l'échelle des financements de la culture. Faudra-t-il ainsi que l'action de l'Etat se résume à soutenir quelques grandes institutions comme l'Opéra et les grands musées et à quelques initiatives sporadiques et marginales menées par des opérateurs quasi privés tels que le CCA ?

Le Syndeac ne dit pas autre chose lorsqu'il invoque dans son communiqué les 4 raisons qui le conduisent à réclamer la dissolution du CCA :
- il (le CCA) prétend exercer les prérogatives de la Direction de la création du ministère de la Culture ;
- il contient en germe une « réforme » qui, à termes, désengagerait le Ministère de la Culture dans le soutien aux créateurs ;
- il envisage de proposer une liste d’idées glanées de-ci de-là sans tenir compte de la politique du ministère et des revendications légitimes des artistes, des créateurs et des responsables culturels ;
- il finance ses prototypes et ses études sur le budget du ministère de la Culture, programme 224, comme l’atteste un appel d’offre paru au journal officiel[5]
Enfin du côté de Jean Voirin pour la fnsac-CGT, il s'agissait de dénoncer "ce comité décidé par l’Elysée qui s’apparente à une privatisation de la chose publique".
Tous étaient sur la même ligne donc ce 10 septembre derrière les rangées de CRS qui leurs empêchaient l'accès au Musée Branly, comme ils l'étaient déjà, mais plus librement cette fois à Avignon le 17 juillet dernier au cours d'une AG à laquelle assistait un millier de professionnels, qui appelait à une journée de mobilisation le 21 septembre.

Nicolas Sarkosy absent, mais Frédéric Mitterand bien présent pour assurer visiblement une démonstration parfaite de la synergie qui doit pouvoir exister entre notre bonne vieille institution Malrucienne qui fête, faut-il le rappeler ses 50 ans cette année, et ce que le ministre définit lui même comme "un laboratoire" ou qu'il associe à "une DRAC in partibus"...[6].
Je ne développerai pas ici les 10 projets présentés, dont 4 seulement sont réellement sur le point d'avancer, et vous laisse consulter le dossier de presse de ministère sur le site localtis.info. Quand à la communication du ministère, on peut s'étonner de sa discrétion. A part un communiqué lapidaire sur le site de l'Elysée, les pages de Culture.gouv restent étonnamment muettes. A défaut de pouvoir vous adresser aux professionnels restés à la porte, il faudra vous tourner vers les médias qui relatent la conférence de presse, et à rejoindre la mobilisation du 21 septembre. Nous y reviendrons. 


[1] Voir le portrait de Marin Karmitz in Le Monde
[2] Le communiqué de l'UFISC du 11 février 2009
[3] Voir mon précédent post à propos de l'ouvrage du Synavi et la chronique de Michel Simonot
[4] Voir les propos de Karmitz dans Le Monde du 10 septembre
[5](Référence : 09-170465 - Annonce publiée le 4 août 2009 - BOAMP n° 147B, Annonce n° 60)
[6] Voir l'article publié dans Le Monde du 11 septembre

Pour en savoir plus
Les Inrocks 

Le Monde
20minutes

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