
La puissance de frappe(5) dont bénéficie un lieu comme la Coopérative de Mai lui permet d'agir avec efficacité pour diffuser des spectacles dans les meilleures conditions, et en réduisant les contraintes de programmation que les acteurs "libres" sur le marché économique doivent supporter. Mais la plus-value supplémentaire vient de la capacité du lieu, proportionnelle à la volonté de son directeur, d'une part à entreprendre des actions dont la finalité n'est pas de répondre à un cahier des charges par nature réducteur et parfois sclérosé, et d'autre part, à s'évertuer à ne prendre en compte que l'intérêt du projet pour les musiciens, pour le public et pour le territoire dans lequel il s'inscrit. Bref, à ne s'intéresser qu'au résultat de son action.
Les faits sont là : moins de 10 ans pour transformer Clermont-Ferrand, la belle endormie, en la CAPITALE DU ROCK, titre dérisoire et anecdotique décerné le 31 juillet 2009 à Paris devant l'Hôtel de Ville, au terme d'un sympathique événement médiatico-festif pendant le festival Fnac Indétendance(6).
Ce résultat est le fruit d'un travail en profondeur qui s'illustre tant par la programmation de quelques 250 groupes et plus de 130 concerts ou événements par an dont un tiers de régionaux, que par le travail d'accompagnement de la création, la mise en place d'actions de médiation avec le public ou l'accueil de plus de 50 soirées "Afterwork" en 8 ans, grand melting-pot public qui a permis à une population très large de regarder la Coopérative de Mai autrement que comme un simple lieu de programmation alors vite considéré soit trop élitiste (par le "grand public") soit trop commercial (par la franche spécialisée des acteurs de musiques actuelles).
Nul besoin de disserter pendant des heures pour répondre aux questions que l'attribution du désuet trophée soulève : Comment l'ouverture d'un lieu, dont le grand public ne retient que la vocation de lieu de diffusion, peut-il ainsi transformer une ville et les pratiques culturelles locales au point qu'elle permette de faire émerger tant de groupes ? Y'a-t-il réellement un lien de cause à effet ? D'où viennent ces groupes ? Qui est responsable de ce succès médiatique ou populaire ? Les réponses, ou en tous cas une partie, sont dans le préambule... Oui, éviter l'encroutement institutionnel, c'est souvent mettre la fin avant les moyens, c'est foncer dans des projets un peu fous, c'est parfois manquer un peu de raison et c'est toujours se focaliser d'abord sur une chose : le résultat.
A l'heure de la LOLF et autre RGPP, il est temps que la puissance publique, de quelque bord qu'elle soit, entende enfin que l'évaluation de ce résultat ne peut se faire que dans un cadre concerté qui tienne compte de l'autonomie des entrepreneurs du secteur sur les moyens pour parvenir à ces résultats.
La question des moyens est une autre question, qui focalise grandement les attentions par ces temps de crise et de déficits des budgets publics. Les espoirs de voir s'opérer un rééquilibrage des moyens (au moins pour ce qui concerne l'Etat) en faveur des Musiques Actuelles auront fait long feu. Et ici où là, les collectivités n'ont sans doute pas encore pris la totale mesure des responsabilités qui sont les leurs envers un secteur largement ancré dans des réalités tant sociales qu'économiques locales et dont l'apport dans ces domaines parait trop souvent ignoré (7).
Alors, si Clermont est bien la ville la plus Rock de France, c'est parce que depuis des années, certains on travaillé dur pour cela ! Et il reste encore beaucoup à faire pour que les projets musicaux se développent, pour soutenir les initiatives, augmenter les possibilités de diffusion des plus jeunes groupes... Et pour que demain, des labels, des médias, des managers, des organisateurs, des festivals ou des studios "made in Auvergne" soient également associés à de nouvelles réussites artistiques.
(1) Elu au Conseil Municipal de 1995, Olivier Bianchi est devenu Maire adjoint chargé de la Culture de la Ville de Clermont-Ferrand et a été l'un des artisans de la création de la Coopérative de Mai
(2) Didier Veillault a créé et dirigé le Plan, resto-pub-rock à Ris-Orangis avant de prendre la direction du projet puis de la salle de Clermont. Il est aussi le fondateur de la Fédurock, fédération composée aujourd'hui de 80 lieux de Musiques Actuelles.
(3) Normal au sens de confort du public, qualité acoustique, qualité technique permettant aux artistes de travailler dans de bonnes conditions. Des conditions semblables à celles que l'on peut trouver dans les Zénith, comme celui qui a ouvert à Clermont quelques années après la Coopérative de Mai
(4) Le terme SMAC désigne des Scènes de Musiques Actuelles ou Amplifiées, généralement subventionnées à ce titre par le Ministère de la Culture
(5) La Coopérative de Mai, gérée par l'association Pop'Art, compte plus de 20 salariés en équivalent temps plein et dispose d'un budget total de 2,2 millions d'euros autofinancé à plus de 50%.
(6) Retrouvez toutes les infos à propos de Clermont, ville la plus Rock de France sur le site de la FNAC et grâce aux articles publiés par :
Rue89.com
La Montagne
20minutes.fr
SudOuest.com
(7) Voir l'article de Libé sur la fermeture des petits lieux et bars-concerts de Bordeaux, et le problème lyonnais sur le site du CMAL.
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