mardi 15 septembre 2009

To PIB or not to PIB

C'est la question à laquelle notre Président voudrais bien pouvoir répondre. Il a mis les moyens (comme d'habitude) en réunissant pour l'occasion 2 prix Nobel et l'éminent professeur Fitoussi (Institut d’Études Politiques de Paris) et 22 experts exerçant majoritairement à l'étranger, servis par pas moins de 8 rapporteurs de l'INSSE ou de l'OCDE pendant plus de 15 mois (voir le site de la commission http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr).
On est maintenant habitué à la méthode Sarkozy : las de voir les français bernés par des statistiques qui leurs font croire que tout va de mieux en mieux alors qu'ils ont la preuve chaque jour dans leur quotidien du contraire, il a pris les choses en main pour montrer la voix aux Grands de ce monde. "La France se battra pour que toutes les organisations internationales modifient leurs systèmes statistiques" a-t-il promis, et il dispose pour cela de 12 propositions de  la commission. Si l'intention est défendable, on peut douter de l'efficacité, mais il est vrai qu'en se croisant les bras, on est encore plus certain que rien ne changera. M'enfin, comme dirait Gaston, est-ce un rapport de plus et un séminaire à la Sorbonne[1] qui feront bouger les lignes ? Sur la forme, rien de nouveau donc, et tout cela risque fort de n'être qu'une opération de communication, à moins qu'il ne s'agisse d'une gesticulation politique pour s'attirer les faveurs des alter-mondialistes...?


Sur le fond, des chercheurs, économistes ou sociologues comme Dominique Méda[2], Jean Gadrey[3], Patrick Viveret ou Bernard Perret (pour ne parler que des français) ont déjà démontré que la croissance et sa mesure préférée qu'est le PIB n'est pas un bon indicateur de richesse[4]. Pour de nombreuses raisons que vous trouverez dans la littérature économique. Je laisse donc les spécialistes l'expliquer[5].

En tous cas, on a beau être habitués, il y avait de quoi tomber de sa chaise en entendant ainsi Nicolas Sarkozy dénoncer "la religion du chiffre". Pour celui qui commande les sondages de façon maniaco-compulsive, qui ne jure que par les objectifs de performance, qui a fait astucieusement modifier toutes les bases de calcul statistiques (seuil de pauvreté, chômage...), qui a fixé des quotas d'expulsion ou des systèmes de notation de ses ministres[6], quel retournement !

Je ne peux m'empêcher de mettre les annonces de Sarkozy en parallèle avec la manière dont est évaluée la "performance" des acteurs culturels, principalement mesurée par le taux de remplissage des salles de spectacle. Ce n'est pas le PIB, mais c'est PIR !
Je pense aussi à la difficulté à faire valoir, auprès des pouvoirs publics en général, l'intérêt social des activités menées dans le secteur associatif, grâce, très souvent à des échanges ou des apports non marchands (comme le bénévolat[7]). Et j'en conclue donc, de façon certes un peu rapide, qu'entre les annonces et les actes, il reste un fossé que la bonne volonté affichée du président Sarkozy risque bien de ne pas pouvoir combler... Et pourtant, j'aimerais tellement y croire !

[1] La commission européenne a organisé en 2007 une conférence de haut niveau sur le thème "Au delà du PIB" (lien)
[2] Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, par Dominique Méda, coll. Champs actuel, éd. Flammarion, 2008
[3] Les nouveaux indicateurs de richesse, par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, coll. Repères, éd. La Découverte, 2005
[4] D'autres indicateurs comme l'IDH, indicateur de développement humain, remonte à 1990
[5] Retrouvez l'analyse critique des propositions du rapport de la commission Stiglitz par Jean Gadrey et Dominique Méda, membre du collectif FAIR sur le site de l'ides, Institut de Développement de l'Information Economique et Sociale.
[6] Voir l'article de Marianne2
[7] Voir Le travail bénévole : un essai de quantification et de valorisation par Lionel Prouteau et François-Charles Wolff

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