samedi 22 août 2009

Le SYNAVI nous offre son cahier de vacances en faveur de l'art vivant

Le SYNAVI[1] nous a livré en Avignon, ce premier cahier aux allures de livre blanc, "conçu comme un outil évolutif, sans solutions ni modèles, sans réponse univoque". Il vient ajouter un chapitre de plus au débat que les acteurs culturels ont ouvert avec l'Etat et les collectivités sur les sujets tant politiques qu'économiques dont regorgent l'action culturelle. A l'heure d'une clôture en forme de prolongation des Entretiens de Valois[2], cet ouvrage plaisant à lire se fixe quelques ambitions dont celle de contribuer à "créer de la pensée commune et des dispositifs adaptés à des objectifs partagés, à des missions qui rencontrent l'intérêt collectif et singulier et la soif de faire sens".

L'objectif en lui même est déjà remarquable, mais la démarche du SYNAVI est d'autant plus opportune parce qu'elle repose sur deux constats évidents.
D'abord celui que l'art et la culture n'ont jamais été autant en mouvement qu'aujourd'hui (évolutions technologiques, démocratisation des pratiques, marchandisation et mondialisation, postures politiques, structuration et professionnalisation des équipes artistique et des diffuseurs...) ce qui ne peut et ne doit pas être sans conséquence sur nos approches et nos réflexions. Ensuite sur le fait que la culture souffre d'un manque de compréhension entre deux mondes : celui des créateurs et des professionnels de la création ou de la diffusion, et celui de ceux qui ont la charge des politiques publiques. Modestement, le SYNAVI se mobilise ainsi dans le but de rapprocher ces deux mondes et les faire construire ensemble un avenir pour l'art vivant.

Méthodiquement, ce cahier s'attarde à dresser un état des lieux en commençant par décrire la place de l'art vivant dans la société d'aujourd'hui. Il glisse ainsi quelques messages de bon sens comme celui qu'en matière de création comme dans la recherche, l'erreur doit être entendue au sens d'un essai et non d'un échec, ou que la démarche artistique est un parcours qui se déroule en grande partie de façon invisible, le résultat de la création n'étant que le côté visible de l'iceberg, ou bien encore que la démarche de transmission pratiquée par l'artiste ne doit pas être assimilée à former, enseigner ou éduquer...
Le constat porte ensuite sur le contexte et la matière économique du sujet et rappelle quelques évidences : la structuration mouvante, la poly-compétence, la recherche de mutualisation, l'inscription des entreprises de création dans une économie plurielle. Les auteurs concluent alors à l'existence d'un "modèle d'économie solidaire[3] aujourd'hui intenable et qui impose de rendre enfin visible l'économie réelle du spectacle vivant". La distorsion entre les rémunérations et la réalité du travail effectué, les disparités importantes, des économies de production faussées sont ainsi pointées et amènent un certain nombre de propositions.

C'est dans le troisième chapitre que le SYNAVI en vient a des propositions qui visent à co-construire avec les collectivités de nouveaux modes de partenariat, voire de nouveaux paradigmes, en privilégiant la concertation. Il s'agirait ainsi pour les décideurs publics "de reconnaitre l'existence d'une pluralité de démarches et de les accompagner".
Concertation donc, mais aussi évaluation. Le SYNAVI s'appuie sur deux contributions sur ce thème, l'une de Jean Michel Lucas[4] sur les modalités d'évaluation, l'autre de Michel Simonot qui substitut l'exigence artistique à l'excellence artistique. Ces deux positions faisaient écho, pour la première au déploiement des principes de la LOLF qui, pour le domaine culturel, a étonnamment oublié que "l'évaluation est donc de la responsabilité de chacun des acteurs associés au projet en fonction de ses responsabilités et de sa capacité d'expertise légitime". Et pour la deuxième, il s'agissait de réagir à l'instauration d'un Haut Conseil de la Création Artistique présidé par le Président Sarkosy et qui fait de l'excellence artistique une référence absolue, un but ultime[5].
Enfin, le SYNAVI, s'intéresse logiquement à la notion de résidence et apporte nombre propositions pour soutenir ce qu'il définit comme acte de "libre association dûment négociée et contractualisée".

En quelques dizaines de pages, le SYNAVI réussit ainsi à passer en revue quelques uns des problèmes que rencontrent les arts vivants, mais surtout, il se permet propositions et recommandations qu'il destine "aux élus des collectivités territoriales et locales chargés de la culture et du spectacle vivant et à leurs collaborateurs, pour des politiques publiques de l'art et de la culture et, plus spécifiquement, des arts vivants".
Qu'il soit entendu !

[1] Le Synavi est un syndicat ouvert aux "structures professionnelles, dont l’activité principale est liée de manière constitutive et déterminante à la création artistique". Ceci comprend les compagnies mais pas exclusivement. Il a été créé en novembre 2003 et tous ses adhérents ont signé, en plus des statuts, la charte qui rappelle les principes fondateurs du Syndicat.
[2] Le 9 juillet, Frédéric Mitterrand a clos les Entretiens de Valois lors d’un comité qui a permis de dresser un bilan de ces rencontres débutées en février 2008. Elles déboucheront sur la tenue de Conférences du spectacle vivant qui aborderont entre autre les questions européennes, l’emploi/formation, la diffusion... Lire la suite sur le site de l'IRMA.
[3] Voir le livre "Pour une autre économie de l'Art et de la Culture" sous la direction de Bruno Colin et Arthur Gauthier, édition Erès ; il décortique et analyse le manifeste de l'UFISC (lien vers le site de l'UFISC)
[4] La synthèse de l'analyse de Jean-Michel Lucas sur le site de la Cofac
[5] la chronique de Michel Simonot sur le blog de la revue Frictions



Lire aussi :
L'article de Jean Michel Lucas sur le site de la COFAC
Alain Hayot, vice-président de la région Paca et délégué national à la Culture du Parti communiste dans les colonnes de l'Humanité

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