vendredi 6 novembre 2009

La bonne gestion du sport en France

Avec la proposition de supprimer le DIC (droit à l'image collective), le gouvernement pénalisera les clubs professionnels de sports collectifs : ceux-ci ne pourront plus exclure de l'assiette des cotisations de sécurité sociale jusqu'à 30% des rémunérations qu'ils versent à leurs sportifs professionnels. Cette part de rémunération est en effet supposée correspondre à un droit à l'image qu'exploite le club à travers l'utilisation de l'image des joueurs de l'équipe. Cette possibilité était apparue en 2005 sous la pression des lobbies du sport pro, à l'époque où les clubs français rêvaient encore de pouvoir concurrencer les clubs anglais ou espagnols. L'exonération partielle de charges sociales ou l'introduction des clubs en bourse étaient alors apparues comme des solutions-miracles qui allaient permettre à l'OL et autres PSG d'aligner leurs offres financières sur celles des grands clubs européens, et retenir ainsi en France les génies du ballon rond. Les salaires proposés sont ainsi devenus un peu plus obscènes encore[1], et les primes de rupture de contrat que se versent les clubs entre-eux (pourtant pas concernés par l'allègement lié au DIC) ont continué leur scandaleuse inflation... Quoi qu'en dise le très remonté Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel[2], cette disposition n'a pas (ou que très peu) changé la situation. Si l'on excepte le cas très isolé de Gourcuff, on constate que la majorité des cadres indispensables à l'équipe de France jouent dans des clubs étrangers, et que la mesure n'a ni provoqué un retour massif au pays, ni empêché les meilleures français de céder aux charmes des Réal de Madrid et autres Manchester[3]...


Ce que tout le monde semble avoir oublié, c'est que l’Etat a l’obligation de compenser cet allégement à la Sécurité Sociale, et que c’est le budget du sport qui a été mis à contribution, alors qu'on pourrait penser que la mesure a un intérêt économique plus plus qu'il ne présente un intérêt général pour le sport. Le budget du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative s’élèvera en 2010 à environ 1 milliard d’Euros. Mais s'il atteint ce milliard, qui fait de ce budget l’un des plus petits de tous les ministères[4], c’est grâce à l’apport du CNDS, Centre National de Développement du Sport. Le CNDS est un établissement public financé par une taxe principalement prise sur les recettes du PMU et des paris sportifs. Il est placé sous la tutelle du Ministère des Sports et ses décisions sont concertées avec le mouvement sportif (via le CNOSF[4]) et les collectivités territoriales. Ce sont ces fonds qui en grande partie permettent de financer les fédérations sportives, leurs structures régionales et les clubs. En 2010, le programme sport du Ministère s’élèvera à 227,2 M€ tandis que 227,3 M€ viendront s’y ajouté via le CNDS. C’est sur cette somme qu’ont été prélevés les 30,9 M€ nécessaires à la compensation des allègements de charges qui permettent tout bêtement d'augmenter le salaire des stars multimillionnaires du football essentiellement (même si le rugby, le basket et le hand-ball sont aussi concernés).

Cette situation m'inspire plusieurs réflexions. Comme très (trop) souvent, les réformes se succèdent, chaque fois sur la base d'argumentaires plus ou moins nourris, mais on a l’impression que l'Etat ne prend pas la peine d'évaluer et d'analyser les résultats obtenus. Le contraire permettrait pourtant d'éviter à certains de raconter trop de sottises sur fond de mauvaise foi, et parfois d’empêcher que ne soient rapidement remises en cause les dites réformes sans avoir pris le temps d'analyser sérieusement leur impact, que ce soit à travers l'atteinte des objectifs poursuivis et les effets pervers non prévus.
L'autre interrogation concerne la somme que va économiser le budget du sport à partir de juillet prochain. Le projet de budget 2010 va-t-il réaffecter cette économie par exemple en dotant le programme « promotion du sport pour le plus grand nombre », qui sinon verrait ses crédits baisser de 63% entre 2009 et 2010, et qui ne représente plus que 4% d’un budget des sports quasi exsangue ?

Enfin, le député socialiste Didier Migaud, président de la commission des finances de l'Assemblée, vient de révéler que l'Etat a offert 20,5 milliards d'euro aux entreprises en deux ans en exonérant d'impôt société les plus values long terme réalisées sur les reventes de titres de participation[6]... Les clubs professionnels n'ont plus qu'a s'adresser aux quelques 6200 entreprises qui ont ainsi bénéficié de cette mesure (de justice fiscale, comme le bouclier fiscal, probablement) pour financer la prise en charge complète de la couverture sociale des 1300 sportifs les plus riches de France. Car le moins que l'on puisse se dire, c'est que, si les caisses de l'Etat sont vides, ce n'est peut-être pas seulement à cause de la crise. L'argent est bien quelque part, reste à savoir où.
Certains ont une petite idée sur la question...

[1] 40% d’augmentation du salaire moyen entre les saisons 2004-2005 et 2006-2007, pour attendre 47 000 € de salaire moyen en 2008 en Ligue 1 de football.
[2] il prétend dans les colonnes d'Aujourd'hui en France (édition du 4 novembre) que "le DIC a rapporté deux fois plus à l'Etat qu'il lui a coûté car avec l'augmentation des salaires des sportifs, leurs impôts augmentent (...). La liste est longue des joueurs qui sont restés en L1 grâce au DIC". Si M. Thiriez veut nous signaler qu'il reste des français en ligue 1, nous voulons bien le croire. Croire, par contre, qu'il est capable de nous prouver que c'est parce qu'ils ont obtenu une augmentation de salaire grâce au DIC, ça va être plus dur.
[3] En juin 2008, 13 des 23 sélectionnés de l’équipes de France sont salariés par un club étranger ; 7 d’entre eux étaient déjà à l’étranger avant la mesure, et 5 sont partis de France après la mise en place de ce mécanisme.
[4] c'est 3,5 fois moins que celui de la culture, ou encore 0,29% du budget total de l’Etat alors que Nicolas Sarkosy avait promis, à l'époque où il était en campagne, de le porter à 3% du total du budget de l'Etat en 5 ans. Il n'y a plus qu'à multiplier ce budget par 10 alors que nous somme déjà à mi-parcourt...
[5] Comité Olympique et Sportif Français
[6] Voir l’article du Monde

Aucun commentaire: