samedi 16 janvier 2010

Auto-entrepreneurs : un an après

Alors qu'il faudra encore plusieurs semaines avant de disposer d'un bilan chiffré précis sur cette première année d'existence du statut d'auto-entrepreneur, on peut déjà constater que le miracle n'aura probablement pas eu lieu. J'ai déjà écrit ici pour exprimer les risques et menaces liés à ce statut[1], et de nombreuses voix se font entendre pour appeler à la vigilance.
Pendant ce temps, de nouvelles dispositions apparaissent en 2010, permettant aux professionnels inscrits comme libéraux, relevant de la CIPAV et déjà installés sous le régime de la micro-entreprise, de rallier ce statut, et parallèlement à exiger des auto-entrepreneurs qui exercent à titre principal une activité artisanale de s'immatriculer au répertoire des métiers dès le 1er avril prochain[2].

Le premier bilan devra porter sur la réalité de l'activité qui s'est réellement développée grâce à cette initiative. En octobre, on pointait déjà que 18% seulement des auto-entrepreneurs avaient déclaré une activité (12.800 sur les 70.000 inscrits) au premier trimestre 2009. Un chiffre faible mais à relativiser au regard de la jeunesse du dispositif. Plus inquiétant, 6 mois plus tard, on constate que le rapport n'a pas changé : 47.500 auto-entrepreneurs ont déclaré un chiffre d'affaire, sur 263.400 inscrits[3]. Le nombre d'inscrit sur l'année devrait donc bien dépasser les 300.000, mais du côté des revenus, la situation est plutôt floue, Hervé Novelli indiquant que les déclarations ne concerneraient que les inscrits du 1er semestre, et que les moyennes de déclaration par trimestre sont de 3.990 € , alors qu'elles étaient annoncées à 4.200 € au trimestre précédent. On attendra donc des chiffres définitifs sur une année complète, mais sans grande illusion sur l'impact réel du nouveau dispositif sur le développement de l'économie.

Plus inquiétant à mon sens, la tendance lourde à laquelle participe les auto-entrepreneurs, à créer des entreprises sans salarié. En 2010, deux entreprises sur trois n'auront ainsi pas de salarié. De 53,2 % au 1er janvier 2000, on est passé à 59,7 % au 1er janvier 2007. Les 300.000 auto-entrepreneurs qui se sont déclarés l'année dernière viennent accélérer la tendance. La plupart des ces entrepreneurs ne sont donc pas des patrons d'entreprises au sens habituel. Six sur dix sont des retraités, chômeurs, salariés ou étudiants qui n'ont donc pas d'autre motivation que de compléter leurs revenus. Parmi les autres, on compte à coup sûr une proportion de victimes de la flexisécurité, qui consiste, pour l'entreprise à profiter de la flexibilité, et pour le non-salarié à se débrouiller avec sa propre sécurité[4].  
J'ai déjà développé dans mon précédent billet combien le fonctionnement sous ce statut va dans le sens de l'individualisme, à un moment où la solidarité pourrait sembler constituer une réponse plus opportune. Comme le raconte Marc Mousli[5], il existe pourtant une formule, peut-être plus complexe, mais combien plus solidaire, c'est celle de la CAE, Coopérative d'Activité et d'Emploi. Une telle structure est une "entreprise collective", qui a l'avantage d'accueillir des entrepreneurs sous statut de salarié en CDI. Ce fonctionnement que certains appellent "l'entreprise partagée" présente bien des avantages, notamment cette sécurité qui manque tant aux auto-entrepreneurs, en conservant les avantages sociaux d'un salarié, et en pouvant compter sur l'aide des spécialistes de la CAE en cas de difficultés.
Un choix qui permet à l'entrepreneur de ne pas hypothéquer ses revenus différés et de ne pas s'assoir sur ses droits sociaux, tout en optant pour une aventure bien plus collective.

[1] voir "Autoentreprendre : entre mythe et réalité" en octobre dernier
[2] c'était une des revendications des artisans professionnels. Détails sur le site de l'APCE

[3] voir la dépêche de l'AFP
[4][5] voir l'article de Marc Mousli pour AlternativesEconomiques : L’auto-entrepreneur, "microentreprise, microrevenus et microprotection sociale"

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