dimanche 7 mars 2010

35 heures : 10 ans déjà !

Nicolas Sarkosy est un grand stratège. Il sait que la meilleure des défenses, c'est l'attaque. C'est ainsi qu'en déplacement à Marignane jeudi 4 mars dernier, le Président de la république en profitait pour critiquer une nouvelle fois les 35 heures en les rendant responsables de tous les maux, notamment d'avoir "tué l'industrie française". Une accusation fantaisiste, pour ne pas dire ridicule.
C'est ce que sous entendait en substance le porte-parole du PS, Benoit Hamon, précisant que "la France a créé 70.000 emplois dans l’industrie entre 1997 et 2002" sous le gouvernement de Lionel Jospin, alors qu’"elle en a détruit 500.000 depuis". Plus globalement, dans l'économie française, les analystes reconnaissent la création de 350 à 400.000 emplois entre 1997 et 2002, des chiffres jamais égalés et confirmés par de nombreuses enquêtes de la DARES et de l'INSEE. Certes, l'économie était alors en pleine croissance, mais l'ampleur est alors colossale, bien supérieure à ce qui se passait même durant les 30 glorieuses.

Même si l'on peut s'interroger sur les conséquences des 35 h, notamment en termes de dégradations des conditions de travail [1], comment peut-on à ce point continuer à nier l'évidence, et à occulter combien la droite a pu se tromper en combattant les 35h par l'adoption de la mesure la plus absurde qui consiste à réduire les charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, la fameuse loi TEPA. Par pur dogmatisme, Sarkosy a ainsi plombé un peu plus le chômage en permettant à quelques uns de "gagner plus", et surtout en faisant en sorte que les entreprises renoncent à embaucher, réduisent le nombre d'intérimaires et se mettent dans la poche les milliards investis dans la mise en œuvre de cette loi. Car bien sûr, une telle mesure a forcément rencontré un joli succès ! Auprès de ceux-là même qui aujourd'hui, défende un système qui leur a permis d'améliorer leur productivité sans aucun effort pour créer de l'emploi.
Il faudrait juste être sourd et aveugle, ou bien particulièrement de mauvaise fois, pour ne pas reconnaitre la contre-productivité d'une telle mesure. Quelques chiffres pour le démontrer une nouvelle fois : en 2009, l'Etat a dépensé 4 milliards d'Euros de compensation à l'Accos et de pertes de recettes fiscales pour financer les 676 millions d'heures supplémentaires, soit l'équivalent de 434.000 emplois [2] ! Et pendant ce temps, la France a vu le nombre de demandeurs d'emplois augmenter de 588.000. Avec un coût moyen de 41.000 € par emploi, ces 4 milliards auraient permis de subventionner à 100% près de 100.000 emplois, donc d'avoir un impact aussi sur la consommation...
Le Président continue quant à lui de tenter de culpabiliser les français parce qu'ils ne travailleraient pas assez, et à faire croire qu'il faudrait redorer le blason de la valeur "travail". Or, toujours d'après Guillaume Duval dans Alternatives Économiques, les chiffres seraient tout-autre, avec une moyenne hebdomadaire de travail des salariés français de 36,5 heures, tandis qu'elle serait de 36 heures chez les allemands, 35,5 chez les britanniques, et même 31,9 chez les hollandais... Des chiffres qu'il est sans doute difficile à établir. Car entre les salariés, certains régimes de fonctionnaires, les travailleurs indépendants, les variations sont, on le sait, très importantes. Il n'empêche que cette tendance à dénoncer en permanence des français qui ne travailleraient pas assez, et ne seraient pas assez productifs, est, dans ce contexte de raréfaction du travail, tout simplement insupportable...

[1] Voir le sujet d'Alternatives Économiques ici
[2] Voir le papier de Guillaume Duval

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