dimanche 4 avril 2010

Un bouclier fiscal qui profite principalement aux plus riches

Dans le débat animé autour d'un bouclier fiscal de plus en plus controversé , l'UMP fait preuve d'une sacrée mauvaise foi en affirmant jeudi dernier (le 2 avril, ce n'était donc pas un poisson!) que ce dispositif fiscal "n'est pas un instrument au bénéfice des plus riches" puisque "60% des bénéficiaires ont des revenus modestes". Et pourtant, l'analyse de l'AFP, publiée sur le site des Echos le jour même, démontre exactement l'inverse.
S'il faut retenir juste quelques chiffres, le premier montre que le coût pour la collectivité, et le bénéfice moyen paraissent "raisonnables" : 16.350 contribuables bénéficient du bouclier fiscal, pour moins de 600 millions de remise d'impôt (585,6 exactement), ce qui donne une moyenne de 35.816 € par bénéficiaire. Mais cette analyse masque une profonde disparité : plus de la moitié des bénéficiaires (53%) n'est pas assujetti à l'ISF, ceux-ci ne percevant que 4,8 millions d'euros, soit 0,8% du total distribué !

Première constatation étonnante, le parti du gouvernement considère donc que ne pas être imposé à l'ISF est significatif de revenus modestes ! Le deuxième constat est qu'on peut tout faire dire aux chiffres. Car en affirmant que le bouclier fiscal bénéficie donc, pour 60%, à des revenus "modestes", l'UMP se livre à une énorme manipulation en confondant le pourcentage des bénéficiaires avec le pourcentage des sommes reversées.

Allons plus loin dans l'analyse des chèques reçus par ces 7.675 bénéficiaires de l'ISF, et en la matière, un tableau vaut mieux qu'un grand discourt.


Pour justifier ce système, il faudrait se satisfaire du fait que 1% des 600 millions de cadeaux fiscaux est redistribué à plus de la moitié des bénéficiaires. Dit autrement, c'est bien 99% de la remise qui revient à 47% des contribuables bénéficiaires. Pour aller plus loin, 90,4% des bénéficies du bouclier fiscal profite à un gros quart des bénéficiaires. C'est l'application de la loi de Paretto (règle du 80/20).
Ajoutons que les 4521 foyers de la tranche haute de l'ISF ont un patrimoine supérieur à 7,6 Millions d'€ et un revenu fiscal d'au moins 43.761 €, et encore qu'à l'intérieur de cette tranche, ils sont moins de 1000 contribuables (dont le patrimoine est supérieur à 16 M€) à avoir reçu un chèque de plus de 376.000 €, soit 6% des bénéficiaires qui touchent 63% du "pactole". L'illustration d'une certaine vision de la justice fiscale.

Gageons qu'en n'ayant pas saisi la perche qui lui était tendue de corriger symboliquement, dans cette période de crise, une incroyable injustice sociale, le gouvernement a encore raté l'occasion de se rapprocher des électeurs, de moins en moins insensibles à de tels privilèges. Déjà descendu en dessous d'une barre historique de 30% des français satisfaits de son action, le Président semble s'être fixé un objectif ambitieux mais atteignable : devenir le Président le moins aimé de toute l'histoire de la république.

"Il parait que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas pourquoi c'est une crise. Depuis que je suis petit, c'est comme ça". C'est ce que disait déjà Coluche, il y a 25 ans !

Et ça continue ! Les mêmes commentaires sur l'injustice du bouclier fiscal dans le Point.fr.
Jean Arthuis dans Libération : "Le bouclier fiscal est une offense à l’idée que je me fais de la justice fiscale"
A lire absolument : l'article de Jean Matouk dans rue89.com, expliquant par les chiffres que les affirmations sur le poids de l'impôts en France ne sont que des mensonges...

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