vendredi 9 juillet 2010

(In)égalité homme - femme dans les Musiques Actuelles et ailleurs... Le point de vue de Rachel Cordier

Cet interview est extrait du dossier de l'Irma, focus du mois, intitulé "Les femmes dans la filière musicale".
Rachel Cordier est administratrice de l'Astrolabe, Scène de musiques actuelles à Orléans. Elle résume assez bien un point de vue qui mériterait d'être d'avantage diffusé et adopté, par les femmes comme par les hommes, et pas seulement dans la filière musicale. En rapportant les propos de Rachel, j'essaie ainsi d'apporter ma petite contribution au débat...


"Avec cette question de la place des femmes dans les musiques actuelles, nous sommes au cœur d’un système de pensée qui a la dent dure. Se demander ce que les femmes apportent ou permettent de construire c’est partir du postulat qu’il y aurait une différence fondamentale, voire intrinsèque, dans les capacités professionnelles des hommes et des femmes. Pourtant, désormais, nous pouvons, à la lumière des progrès de la science, sortir de cette vision digne de l’ère qui a précédé le droit de vote des femmes et poser le principe qu’une femme n’apporte ou ne construit pas plus ou pas moins que les hommes. Chacun ou chacune fait en fonction de ses qualités personnelles, de ses compétences professionnelles. Une femme ne sera pas plus intrinsèquement conciliatrice ou diplomate qu’un homme. Une femme, un homme peuvent être compétents ou non, sensibles ou non, etc.
Je ne crois pas à la dichotomie qui pourrait faire croire qu’il y a des postures, des comportements spécifiques induits par notre nature génétique.
En revanche, il est évident qu’à compétence ou caractère égal, les parcours professionnels seront bien différents. On peut en déduire les qualités différentes qu’elles auront été obligées d’acquérir pour accéder aux mêmes fonctions qu’un homme. Il est alors davantage question de la place qui est laissée aux femmes. Dans quelle mesure la place des femmes n’est pas celle qu’elles se font mais bien celles qu’on leur laisse.
Autant l’administratif, la comptabilité, la communication sont des métiers qui se sont féminisés dans nos salles, autant il est encore peu de femmes qui s’accaparent les questions "politiques" au sens de ce qui concerne la "vie de la cité", les "affaire publiques".
Peu de femmes aujourd’hui sont en position de faire entendre leur voix sur des questions éminemment masculines, elles sont peu présidentes mais beaucoup trésorières, peu directrices mais beaucoup chargées de communication.
Ce constat trouve certainement ses origines dans l’éducation, l’histoire des rôles dévolus depuis la nuit des temps à l’un et l’autre sexe, mais aussi dans la manière dont les femmes se perçoivent et se projettent. Pour une femme qui affichera sa volonté de penser et de participer aux débats dont on dira très facilement qu’elle est pétrie d’ambition, voire de prétention (quand on dira d’un homme qu’il est intelligent et malin), combien de femmes ont intégré inconsciemment dès leur plus jeune âge le point de vue masculin selon lequel ce n’est ni leur place, ni leur rôle ?
Les sujets stratégiques et politiques sont autant de matières que les hommes se réservent et que de toutes façons les femmes ne leur disputent pas ou peu.
Les femmes ont moins le plaisir de la compétition et, dans des combats perdus d’avance, elles ne se soumettent que rarement à la sélection d’un vote dans la mesure où le scrutin ira plus naturellement vers le candidat masculin. Si l’on voit encore souvent des femmes derrière des hommes, des femmes derrière des directeurs, des secrétaires nationaux, très peu ont le poids ou la légitimité pour les interlocuteurs institutionnels de porter une pensée, une réflexion, une parole au-delà des réunions de leur équipe.
Les femmes ne sont pas des hommes différents et pourtant les hommes ont tendance à le penser et à en tirer des conclusions parfois bienveillantes souvent condescendantes et toujours discriminantes. La femme peut aussi devenir son pire ennemi tant elle est persuadée par le discours dominant que sa nature différente l’empêche d’accéder à des fonctions dans lesquelles pourtant elle pourrait légitimement être un homme comme les autres."

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