mercredi 5 mai 2010

6 mai : mobilisation de tous les acteurs culturels pour une journée d'action

Pas facile de rendre accessible à tous, amateurs d'art et de culture, spectateurs, "grand public", les causes de l'inquiétude des professionnels de la culture. En tous cas cette journée d'action le 6 mai semble prendre une certaine ampleur, proportionnelle à la montée de la prise de conscience du caractère néfaste de ce que prépare le gouvernement depuis l'arrivée de Sarkozy à la tête de l'État.
En trame de fond, plusieurs réformes : celle des politiques publiques dite RGPP, qui vise, en un mot, à rationaliser les services de l'État et de ses administrations. Rationaliser, ça signifie faire plus avec moins (soyons simples, et évitons la langue de bois).

Autre réforme, la suppression de la taxe professionnelle. Après avoir déjà été vidée de la part calculée sur les salaires, cette taxe est tout simplement supprimée depuis janvier 2010. L'idée, là, est de ne plus taxer les entreprises sur leurs équipements (la partie liée au foncier serait maintenue). La facture est compris entre 8 milliards (selon Bercy) et 18 milliards (selon l'association des Maires de France)[1]. Problème, cette taxe est principalement perçue par les collectivités locales : communes et intercommunalités (EPCI), départements (Conseils généraux) et régions (Conseil régionaux). Elle devait être remplacée par une autre source de revenus, la taxe carbone dont ont sait depuis qu'elle est abandonnée. Résultat, une perte sèche pour les collectivités, dès 2011 puisqu'en 2010, cette perte est compensée par une dotation de l'État correspondante (et donc, au passage, compensation par la dette publique du cadeau offert aux entreprises ! On nous parlera ensuite de rationalisation des politiques de l'État et de réduction de la dette...).
Conséquence de cette décision : l'État prépare une modification des règles en matière de compétences des collectivités territoriales. Outre le volet lié à la désignation des élus des 2 assemblées territoriales (conseils général et régional), déjà décidé et voté en février par le parlement, il est décidé de revoir les attributions possibles de ces 2 collectivités. Puisqu'elles ne pourront plus disposer des ressources de la taxe professionnelle, le plus simple est de leur interdire de financer ce qu'elles finançaient précédemment. Fini la clause générale de compétence : l'État fixe les domaines qui reviennent à chaque niveau, de manière obligatoire, et accordent les moyens financiers nécessaires. Cela s'appelle de la "recentralisation", le contraire de la décentralisation. Au passage, on n'échappe pas au débat sans fin des transferts de compétences sans le juste transfert des moyens budgétaires... Comme les différents échelons locaux et territoriaux étaient habitués à se partager le coût de certaines actions (et notamment en matières culturelles, sportives, d'animation...), cette décision se traduit par une diminution potentielle des financements pour les bénéficiaires, associatifs pour la plupart, mais aussi à travers ce qui est organisé et géré directement par les collectivités. Fini donc les "financements croisés" qui ont permis d'organiser cette décentralisation culturelle chère à Malraux. Ce sont deux conséquences en réalité : la première concerne la sauvegarde de cette diversité des initiatives grâce à cette possibilité d'aller frapper à d'autres portes lorsque celle qui correspond à la "compétence" prévue ne s'ouvre pas ! La deuxième est plus comptable : en perdant les ressources liées à la disparition de la taxe professionnelle, les collectivités chargées de soutenir les structures et projets autrefois financés par des financements croisés n'auront pas les moyens d'accroitre leurs aides pour compenser la perte des autres partenaires. Même raisonnement dans le cas où, comme l'annonçait Sarkozy, il était décidé que la culture pourrait continuer à bénéficier de financements croisés. Avec quels ressources les départements et régions pourraient ils le faire ?
Les sujets d'inquiétude sont donc réels et sérieux, et se traduisent aujourd'hui de façon concrète, par exemple par l'annonce par le Conseil Général du Puy-de-Dôme, d'une baisse du budget culturel de 30%. A ces réductions budgétaires des collectivités, il faut ajouter celles de l'État. On promet aux Musiques Actuelles un rééquilibrage qu'elles n'ont jamais vu arriver. Et puis le Ministère de la Culture fera les frais de la rigueur imposée par Bercy, avec une baisse des crédits alloués à la création de 30 millions dès 2011 (source Syndeac, voir sur son site).
Au delà de ces inquiétudes budgétaires, les professionnels dénoncent aussi l'affaiblissement du Ministère de la Culture du fait de la RGPP, le transfert des moyens à des officines comme le "Conseil de la Création Artistique"[2], la marchandisation rampante de la création, la libéralisation progressive de l'art et de la culture sous toutes ses formes, les concentrations réalisées sous couvert de rationalisation, qui réduisent la place des "petits" porteurs de projets indépendants[3], l'obligation, sous couvert d'obligations européennes, de recourir à des appels à projets ou à des appels d'offres[4], les risques qui continuent de peser sur le régime d'indemnisation chômage des intermittents, l'absence d'implication de l'État dans une réelle défense au plan européen d'une spécificité culturelle permettant de financer légalement ce qui constitue un véritable service public culturel...

Toutes les organisations culturelles et de salariés sont mobilisées. Vous aussi, soutenez le mouvement. Les arts et la culture sont vraiment en danger. Rejoignez-nous le 6 mai (liste des rassemblements sur le site de l'UFISC ou du Syndeac).

[1] Voir l'article de l'Express
[2] voir ici
[3] Voir mon billet précédent
[4] Appels d'offre et à projets qui souvent ne permettent pas de disposer de financements sécurisés sur plusieurs années et qui assimilent à des démarches mercantiles les initiatives de toutes les structures y compris celles qui relèvent d'un positionnement non lucratif

Les communiqués de l'UFISC sur le site du SMA, de la fédération spectacle de la CGT

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